Complément chapitres
Aviation de demain et Gérer les risques
Qui pilotera l’avion de demain ?
Note 4 : Swissair 111 : feu à bord non maîtrisé
Cet accident met en lumière une série de défauts de certification de l’avion. Le 2 septembre 1998, le SR111, un MD-11 – la version modernisée du DC-10 – de Swissair s’est écrasé dans l’Atlantique Nord à environ dix kilomètres au sud-ouest de Peggy’s Cove en Nouvelle-Écosse au Canada, tuant les 229 personnes à bord. « Cet accident a été perçu comme un véritable séisme national, tant la Suisse portait haut et fier les couleurs de sa compagnie. Jusqu’ici les avions Swissair étaient considérés comme les plus sûrs du monde. Le mythe était désormais brisé : ces avions perdaient leur statut d’exception et la Suisse plongea dans le deuil d’elle-même » (Haefliger, 1998[1]).
L’enquête canadienne, remarquablement menée[2], a montré que les matériaux d’isolation phonique n’étaient pas aux normes de certification aéronautique en termes d’inflammabilité et qu’un incendie s’était déclaré dans le plafond du cockpit à la suite d’un arc électrique, provoqué certainement par la surcharge du circuit électrique sur lequel avaient été branchées – sans étude préalable – les nouvelles vidéos dans les sièges des passagers, prévues sans coupe-circuit…
En raison des odeurs de feu électrique et de la fumée sortant par les bouches d’aération du cockpit, les deux pilotes ont suspecté un défaut d’un des groupes de conditionnement d’air. Le traitement d’une panne comme celle-ci, le déroutement sur un terrain non prévu de nuit sans lune (sans référence de l’horizon extérieur) et la documentation de l’aéroport de déroutement qui n’était peut-être pas à portée de main des pilotes, leur a certainement demandé des ressources considérables.
Depuis quelques années, Swissair, la référence de l’époque pour beaucoup d’entre nous, cherchait à atteindre la taille critique pour faire face à la déréglementation. La « banque volante », réputée pour sa saine gestion, s’est alors lancée dans des acquisitions et des prises de participation inconsidérées[3]. L’accident du SR111 et la chute du trafic aérien après les attentats du 11 septembre 2001 mettront Swissair en liquidation judiciaire deux ans et demi plus tard, le 31 mars 2002.
Plaques de Reason
Air Transat : voir ci-dessus, la partie L’erreur humaine.
Automatisation globale et intelligence artificielle
Note 18 : L’utilisation du robot Da Vinci par un chirurgien apporte plusieurs avantages : ses bras manipulateurs possèdent sept degrés de liberté, ce qui permet une plus grande aisance en chirurgie minimale-invasive. Ils permettent une plus grande précision des gestes grâce à une filtration des tremblements. Le mouvement du chirurgien peut être démultiplié par un facteur inférieur à un et améliore ainsi la précision du geste, et la visualisation en trois dimensions de l’espace intracorporel augmente son aisance lors de l’intervention. Pendant une opération avec un Da Vinci, le chirurgien bénéficie d’un meilleur confort que lors d’une opération classique sous cœlioscopie ou laparoscopie, il se fatigue donc moins et évite également certains troubles musculosquelettiques de type tendinite. Une opération réalisée à l’aide du robot est équivalente à celle réalisée sous laparoscopie classique : la cicatrisation est plus rapide et la douleur post-opératoire atténuée pour le patient. Inconvénients, le Da Vinci coûte plus d’un million d’euros. De ce fait, les interventions réalisées sont plus chères également, 2 000 euros de plus au CHU de Nantes, 25 à 30 % de plus dans les hôpitaux universitaires de Genève. Elles sont également environ deux fois plus longues en moyenne, d’après Intuitive Surgical, notamment lorsque le chirurgien n’est pas habitué à ce matériel. Il ne procure pas de sensation tactile au chirurgien lorsque les pinces touchent un organe. Des chercheurs américains suggèrent, chiffres à l’appui, que le nombre de complications associées au robot serait très largement sous-estimé. Les auteurs parlent même de 71 décès au cours des 12 dernières années[1].
L’erreur humaine
Note 12. Air Transat : fuite de carburant au milieu de l’Atlantique
Le 24 août 2001, un Airbus 330 de la compagnie canadienne charter Air Transat 236, qui effectuait un vol entre Toronto et Lisbonne, s’est retrouvé sans carburant au milieu de l’Atlantique avec 306 personnes à bord.
Le commandant Robert Piché (48 ans) et son copilote Dirk de Jager (28 ans) ont réussi à poser leur avion en vol plané de nuit sur la piste 33 de la base militaire américaine[1] de Lajes aux Açores, sans faire de victime et sans que l’Airbus ne subisse de dégâts importants. L’équipage est détenteur, malgré lui, du record du plus long vol plané d’un avion de ligne à ce jour (21 minutes).
Un défaut de montage du moteur droit, pourtant changé peu de temps auparavant, a été à l’origine de la rupture d’une canalisation de carburant, qui a arrosé le radiateur d’huile du moteur, fournissant aux pilotes une information de température huile moteur anormalement basse et une pression anormalement élevée[2].
Malgré un appel radio au centre opérationnel de la compagnie, l’agent en charge de la veille technique, incapable de répondre à cette énigme, a prié l’équipage de bien vouloir rappeler à partir de six heures du matin, lorsque les premiers mécaniciens seraient arrivés. Puis, à cause de la fuite, une autre alarme s’est déclenchée, celle d’un déséquilibre carburant entre les deux ailes. Malgré la consultation de la documentation de bord et l’aide de la Chef de cabine pour vérifier, de nuit, s’il n’y avait pas de vaporisation de carburant à l’arrière de l’aile concernée, les pilotes n’ont pas réussi à comprendre la situation à laquelle ils étaient confrontés.
L’équipage n’avait pas été préparé à cette panne. Une recommandation du rapport d’accident[3] a ensuite préconisé d’entraîner les pilotes à la procédure de fuite carburant (FUEL LEAK). Le commandant, nouvellement qualifié sur Airbus 330, se méfiait de cette nouvelle génération d’avion « tout électronique » et avait attribué ces « dysfonctionnements » à un bug électronique.
Les deux moteurs arrêtés, le groupe auxiliaire (APU[4]), fonctionnant par prélèvement de carburant dans les réservoirs des ailes, ne pouvait pas être utilisé pour alimenter les circuits électriques et hydrauliques nécessaires aux commandes de vol. L’avion ne pouvait compter que sur son éolienne de secours (Ram Air Turbine, RAT[5]) pour permettre à l’équipage de le piloter avec un minimum de servitudes électriques et hydrauliques.
L’histoire s’est donc bien terminée, et le commandant Piché a été félicité pour son exploit. Cependant, plus tard, une fois les esprits apaisés, il a été réprimandé pour n’avoir pas su diagnostiquer la panne et y remédier. En sanctionnant le commandant, les autorités ont condamné l’une des qualités premières du pilote, sa faculté d’adaptation et d’improvisation, comme le pilotage de nuit et sans moteur d’un avion de 200 tonnes. Piché a pourtant su rattraper de façon remarquable une erreur qui aurait pu se terminer en catastrophe.
Plaques de Reason :
Facteurs humains
Note 15. Qantas 32 : panne moteur suivie de pannes multiples
Le 4 octobre 2010, l’explosion non contenue d’un moteur de l’Airbus 380 de la compagnie australienne Qantas 32 au départ de Singapour aurait pu se terminer tragiquement si l’équipage n’avait pas géré la situation de façon remarquable. Il aurait été difficile de trouver un équipage d’Airbus 380 plus expérimenté au monde avec 5 pilotes qualifiés dans le cockpit : un commandant (de Crespigny), deux copilotes, un instructeur en formation et un contrôleur. Ensemble ils totalisaient 71 000 heures de vol…
Ce fut le premier incident grave. La rupture du disque[6] de la turbine du moteur 2 (Rolls-Royce[7]) a traversé l’aile gauche de l’A380, occasionné une fuite de carburant et sectionné un des deux circuits hydrauliques (vert), limitant ainsi le nombre de servitudes hydrauliques (becs de bord d’attaque, sortie du train, commandes de vol, freinage). De plus 600 fils électriques sectionnés ou endommagés ont produit de multiples pannes rendant inopérantes des pompes carburant ou empêchant le transfert carburant depuis le réservoir du stabilisateur horizontal arrière. La gestion des moteurs 1 et 4 s’est trouvée dégradée, car les auto-manettes ne fonctionnaient plus. Puis, après l’atterrissage, le moteur 4 n’a plus voulu s’arrêter, et les pompiers ont dû le noyer avec leurs lances incendie. L’A380 a également perdu les deux bus électriques qui alimentaient tout l’avion, ne laissant plus qu’une radio sur les 7 (3 VHF, 2 HF, 2 SATCOM) pour communiquer.
Il y a eu plus de 70 messages de pannes déversés sur l’écran qui centralise l’état de l’avion et les checklists (ECAM), et 55 minutes ont été nécessaires pour les lire, les trier et les traiter. Ainsi des anomalies liées aux systèmes informatiques, théoriquement indépendants, ont grandement pénalisé les pilotes dans la gestion de cette panne multiforme[8] qui a mis l’avion en danger. L’équipage s’est trouvé en surcharge de travail et la fatigue s’est rapidement fait sentir.
Comme pour Apollo 13, de Crespigny[9] n’a pas cherché à connaître tout ce qui ne fonctionnait plus, mais plutôt ce qui fonctionnait encore. L’avion dégradé et en surcharge de poids (à cause du carburant non consommé) nécessitait 3 900 m de longueur de piste à l’atterrissage pour deux pistes de 4 000 m disponibles lorsqu’il est revenu se poser à Singapour.
Plaques de Reason :
Accidentologie
Note 2. D’après le Code de l’aviation civile, « un accident aérien est un évènement lié à l’utilisation d’un aéronef, qui se produit entre le moment où une personne monte à bord avec l’intention d’effectuer un vol […] et au cours duquel : 1) une personne est mortellement ou grièvement blessée du fait qu’elle se trouve : dans l’aéronef, ou en contact direct avec une partie quelconque de l’aéronef, y compris les parties qui s’en sont détachées ; ou directement exposée au souffle des réacteurs […] ; ou 2) l’aéronef subit des dommages ou une rupture qui altèrent ses caractéristiques de résistance structurelle, de performances ou de vol et qui devraient normalement nécessiter une réparation importante ou le remplacement de l’élément endommagé, sauf s’il s’agit d’une panne de moteur ou d’avaries de moteur, lorsque les dommages sont limités au moteur, à ses capotages ou à ses accessoires, ou encore de dommages limites aux hélices, aux extrémités d’ailes, aux antennes, aux pneumatiques, aux freins, aux carénages, ou à de petites entailles ou perforations du revêtement ; ou 3) l’aéronef a disparu ou est totalement inaccessible. »
Note 3. Accident de Tenerife, « Le crash du siècle »
La collision au sol entre deux Boeing 747 de la KLM[1] et de la Pan Am[2], à Tenerife aux Canaries, le 27 mars 1977, a fait 585 morts parmi les 644 passagers et navigants des deux avions. Du B747 de la Pan Am, seuls 54 passagers ont survécu ainsi que le commandant, le copilote, le mécanicien navigant et quatre hôtesses.
Faisant suite à la fermeture de l’aéroport de Las Palmas, pendant deux heures, à cause d’un attentat à la bombe[3], le trafic aérien avait été dérouté vers l’aéroport voisin de Tenerife, Los Rodeos, rapidement saturé. Faute de places de parking, un certain nombre d’avions avaient été parqués sur une partie du taxiway utilisé pour accéder à la piste de décollage, rendant ce dernier inutilisable entre la bretelle nº 3 et l’aérogare.
Pour gagner du temps, le commandant de la KLM avait fait un complément de carburant pour faire Tenerife–Las Palmas–Amsterdam dans la foulée, l’équipage étant confronté à un problème d’amplitude maximale[4] de travail, avec le risque de ne pas pouvoir repartir le jour même vers Amsterdam. Le vol initial était un aller-retour Amsterdam–Las Palmas.
Avec plus de cinq heures de retard et une météo en légère amélioration, les deux Boeing 747 se suivaient au roulage en vue du décollage pour Las Palmas. En effet, il y avait un brouillard côtier, fréquent en cette saison, qui avait envahi l’aéroport et qui évoluait par alternance de passages de bancs de brouillard. Le KLM fut le premier à remonter toute la piste pour faire un demi-tour à son extrémité en attendant l’autorisation de décoller. Le Pan Am qui le suivait devait dégager la piste par la bretelle nº 3 pour reprendre le taxiway et permettre ainsi le décollage du KLM.
Cependant, la clairance de roulage manquait de clarté, le contrôleur aérien, pour éviter au Pan Am de faire un virage trop serré, a semblé hésiter à proposer la bretelle nº 3, car l’angle des deux virages suivants sur le taxiway était important risquant d’endommager le train d’atterrissage et les pneus du 747. Le copilote aux commandes a entrepris de dégager la piste par la bretelle suivante, nº 4, qui se prêtait mieux aux virages du jumbo-jet. En réalité, le Pan Am, qui n’était pas sûr de sa position, n’avait pas informé le contrôleur aérien de son projet d’action.
Entre-temps, le KLM avait reçu sa clairance de départ (autorisation de trajectoire après le décollage), mais pas celle du décollage qu’il avait demandée en même temps. Le commandant de la KLM, qui n’était pas conscient de la situation du Pan Am, a initié le décollage dans la foulée (sans s’arrêter), d’autant que la visibilité venait de s’améliorer permettant ainsi le décollage avant qu’un autre banc de brouillard ne vienne à nouveau piéger l’avion.
Puis il y a eu un brouillage sur la fréquence radio par superposition de deux émissions : celle du Pan Am qui, conscient de la situation, a rappelé à la radio qu’il était toujours sur la piste, alors qu’en même temps le contrôleur aérien demandait au KLM d’attendre son autorisation pour décoller mais en des termes ambigus, avec un « Ok » au milieu de la phrase qui a laissé croire que l’équipage du KLM était autorisé à décoller. Le commandant du KLM, autoritaire et pris dans l’entonnoir de l’objectif unique, celui de décoller le plus rapidement possible, n’entendait plus les remarques de son officier mécanicien navigant qui demandait si le Pan Am avait bien dégagé la piste.
Le fort gradient d’autorité du commandant n’a pas laissé au copilote la force de s’opposer à son patron qui avait été auparavant son instructeur lors de sa qualification sur B 747[5]. Le contrôle aérien a été débordé par ce trafic exceptionnellement important et a employé une procédure inhabituelle, à savoir ne pas utiliser le taxiway comme moyen d’accès à la piste, le tout par temps de brouillard et sans radar sol, qui permet de visualiser les avions sur la piste et les taxiways. Enfin, l’ensemble des communications radio se sont faites en anglais pour des contrôleurs habitués à un trafic régional.
Le rapport espagnol[6] a indiqué que le facteur psychologique a certainement contribué à l’accident, car l’équipage, et le commandant en particulier, souhaitait décoller rapidement, malgré la mauvaise visibilité, pour que le vol suivant (Las Palmas – Amsterdam) ne soit pas annulé (p. 41-42). Les déboires d’un vol inhabituel et la fatigue accumulée ont été, d’après le rapport, des facteurs qui ont contribué à l’accident.
Aujourd’hui, face à une telle situation, les pilotes et le contrôleur aérien prendraient beaucoup plus de précautions. Le contrôleur, qui n’avait pas la visibilité sur l’ensemble de la piste à cause du brouillard, n’aurait pas fait entrer deux avions en même temps sur celle-ci, sans l’aide de véhicules d’accompagnement (Flyco). Dans le briefing contextuel des pilotes d’aujourd’hui, il serait mis en exergue les particularités suivantes : 1) terrain inhabituel (fréquentation), plate-forme saturée et pas de radar permettant de visualiser la position des avions au sol ; 2) mauvaise météo (visibilité) ; 3) contrôleurs aériens à l’anglais douteux et peu habitués à gérer un tel trafic ; 4) risque d’Hurry-up syndrome, (annulation du vol). Il y a un proverbe chez les pilotes qui dit : « Plus les évènements se précipitent, plus je ralentis le rythme. »
Le rapport d’accident espagnol est relativement succinct et manque d’expertise. Il donne l’impression d’être à charge contre le commandant de la KLM, alors qu’il ne doit pas à porter de jugement (réservé au procès civil). Il ne fait apparaître que trois recommandations[7], ce qui est étonnamment peu devant l’ampleur de la catastrophe. Mais cet évènement est à remettre dans le contexte de l’époque, c’est-à-dire il y a 40 ans… En revanche, cet accident a servi la cause de la sécurité aérienne puisque, dix ans plus tard, des cours de Facteurs humains ont été introduits pour les pilotes et les mécaniciens navigants.
Le complément d’enquête néerlandais, à la fin du rapport espagnol, montre à quel point cet accident a affecté la compagnie et les Pays-Bas. Cela ressemble à un règlement de compte : le rapport espagnol chargeant le commandant de la KLM, et le complément de rapport néerlandais le contrôleur aérien espagnol, ainsi que le Pan Am qui n’a pas pris la sortie prévue et qui est resté plus longtemps sur la piste.
Quant au contrôleur de la tour, qui n’avait rien vu ni entendu, c’est un avion en attente au-dessus de l’aéroport qui lui a signalé une épaisse fumée noire.
Plaques de Reason :
Note 37 : 15.3 DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ (DS) Manuel de gestion de la sécurité (MGS) – OACI 2006, p. 136. 15.3.1 Le DS est le coordinateur de l’élaboration et de la maintenance d’un SGS efficace. Il est aussi le principal point de contact avec l’autorité de réglementation pour de nombreuses questions de sécurité. L’obligation pour le DS de rendre des comptes directement au directeur général prouve que la sécurité a, dans le processus décisionnel, un niveau d’importance équivalent à celui d’autres grandes fonctions organisationnelles.
15.3.2 Les fonctions du DS sont examinées brièvement au chapitre 12. En général, le DS a pour mission de veiller à ce que la documentation concernant la sécurité reflète exactement la situation existante, de contrôler l’efficacité des mesures correctrices, de fournir des rapports réguliers sur les performances en matière de sécurité et de donner des conseils indépendants au directeur général, aux cadres dirigeants et à d’autres membres du personnel sur des questions liées à la sécurité.
15.3.3 Dans beaucoup d’organisations, le DS occupe une fonction de « cadre fonctionnel » et conseille la haute direction sur les questions liées à la sécurité. En effet, un conflit d’intérêt pourrait surgir si le DS détenait aussi des responsabilités de cadre hiérarchique. La gestion de la sécurité est donc une responsabilité partagée par les cadres hiérarchiques et soutenue par le « cadre fonctionnel », spécialiste de la sécurité, le DS. La haute direction ne devrait pas faire porter au DS la responsabilité des tâches qui incombent aux cadres hiérarchiques. Toutefois, il est de la responsabilité du DS d’octroyer aux cadres hiérarchiques un soutien efficace en personnel afin de garantir le succès de leurs efforts en matière de gestion de la sécurité.
Terrorisme
Il existe deux formes de terrorismes :
– le terrorisme revendicatif qui s’apparente à une organisation militaire menant des actions mesurées pour obtenir d’un État ciblé des concessions par la négociation, comme la libération d’un pays occupé ou de territoires, l’indépendance, la reconnaissance d’un État ou d’une identité politique, la libération de prisonniers politiques.
En France, durant l’occupation allemande, les résistants ont été des terroristes, tout comme les indépendantistes du FLN, pendant la guerre d’Algérie, ou ceux de l’OLP en Palestine. Certaines organisations ont récemment mis fin à la lutte armée comme l’IRA, en 2005, après les attentats de Londres, pour se consacrer à l’action politique, l’ETA en 2011, ou les FARC, en Colombie, en 2016.
Il y a également d’autres variantes revendicatives qui vont de l’indépendance de la Tchétchénie, en passant par la dispute du Cachemire par puissances nucléaires interposées (Inde et Pakistan) soutenant des commandos terroristes (attaques à Bombay en 2008), jusqu’aux pseudo-mouvements indépendantistes comme le FLNC en Corse, plus proche du banditisme et de la mafia que des grandes idéologies et dont l’activité varie suivant le laxisme des gouvernements français.
Suivant le côté où l’on se situe, ces combattants sont des terroristes ou des résistants ; leur statut peut passer de dangereux criminel à celui de héros national, voire Père de la nation et prix Nobel de la paix comme Yasser Arafat, ou Nelson Mandela, symbole de la non-violence, qui a eu pour mentor Gandhi et qui a représenté par sa popularité une véritable menace pour l’apartheid sud-africain. Ces « terroristes » étaient de vrais patriotes qui pouvaient aisément prendre la place d’un représentant national et normaliser rapidement les relations intérieures comme extérieures ;
– le terrorisme idéologique vise à changer le monde par la révolution en utilisant de préférence des moyens non conventionnels pour renverser les sociétés, en frappant les esprits plus que les corps, pour aliéner les outils de défense mis en place jusqu’à la fin de la Guerre froide.
Ce terrorisme utilise la spirale de la violence dans sa forme la plus abjecte, et la guerre sans fin pour servir ses ambitions de conquêtes idéologiques. Les responsables de ces organisations manifestent un total mépris pour la vie en général et, en particulier, pour celles des kamikazes qu’ils utilisent. Cette forme de terrorisme peut s’apparenter au fanatisme des sectes où, derrière la façade idéologique ou religieuse, se profile le Jugement dernier, le châtiment infligé par le chaos généralisé et finalement le suicide collectif. C’est l’apothéose de leurs fantasmes de mort et d’utopie qui veut en finir avec l’ordre établi, particulièrement celui des démocraties qui représentent, à leurs yeux, la seule véritable menace.
À la suite des évènements de 1968, l’Europe démocratique a été confrontée à une vague de terrorisme idéologique. Les Brigades rouges en Italie, la Fraction armée rouge (bande à Baader) en Allemagne, les Cellules communistes combattantes en Belgique et Action directe en France. Toutes ces organisations – qui sont maintenant dissoutes ou disparues – voulaient changer le monde. Elles véhiculaient l’idée que l’action terroriste était la seule réponse, l’unique moyen légitime pour combattre l’impérialisme capitaliste.
Le terrorisme idéologique se nourrit de spectacles tout aussi effroyables que pitoyables. Quelque part, il s’oblige à se renouveler à chaque attentat, à faire preuve d’imagination, voire de génie. François Heisbourg s’exprimait ainsi après l’attaque de Madrid[8] en 2004 : « Chacun de ces attentats était très différent du précédent. Chacun est sur mesure. Ces types-là sont, dans leur registre d’hyperdestruction, des créatifs. Parce qu’ils veulent avoir à chaque fois l’effet de la nouveauté, et ça, c’est très moderne. » Les médias, pourvoyeurs de spectacles, sont donc aussi les principaux promoteurs des terroristes.
Aujourd’hui, Al Qaida, AQMI, Boko Haram, les Talibans et l’État islamique se réclament de la mouvance djihadiste, et leur argument principal est la trop longue domination du monde par les sociétés occidentales et judéo-chrétiennes. Ces démocraties moralistes qui derrière leurs beaux discours (les droits de l’homme) entretiennent l’injustice économique entre pays du Nord et du Sud, et, à travers la mondialisation, le capitalisme international.
Les révolutions éclatent lorsque les peuples restent trop longtemps opprimés, et pas pour satisfaire des bandes de fanatiques. En Occident, depuis un siècle, il y a eu de tels progrès sociaux et économiques qu’ils ont tué toute velléité révolutionnaire, faisant de Mai-68 une simple révolte, ou plutôt un changement de paradigme social.
Depuis le 11 septembre 2001, les pirates de l’air sont considérés comme des terroristes suicidaires, sauf quelques psychopathes qui relèvent du domaine médical, souvent surexcités avec des réactions imprévisibles, peu cohérentes et violentes.
En revanche, les terroristes idéologues – les vrais kamikazes – ont un comportement normal. Ils sont plutôt bien intégrés dans la société, ce qui déroute l’opinion publique et pose des difficultés pour les identifier. Ce sont en général des jeunes de moins de trente ans ayant basculé dans le djihadisme.
Il existe deux types de personnalités :
– des individus malléables qu’il est aisé d’endoctriner et de manipuler parce qu’ils vivent en marge de la société ou dans la précarité. Ce sont des « paumés » en mal d’identité, qui se recrutent parfois à la suite de déconvenues sociales, familiales ou amoureuses. Ils trouvent refuge et réconfort auprès des cellules religieuses extrémistes, car les endoctrineurs donnent un sens à leur existence. Ils reprennent ainsi confiance en eux et vouent alors une reconnaissance et une soumission sans limite à leur sauveur. Une fois prêts pour leur mission finale, ils sont fiers de devenir les nouveaux héros des banlieues défavorisées et sont sereins quant à leur avenir de martyrs qui leur « ouvre en grand les portes du paradis. » Richard Reid, l’homme aux chaussures piégées du vol Paris–Miami d’American Airlines en 2001, correspond à ce type de personnalité ;
– ou au contraire des jeunes ayant fait des études, affirmés, intelligents, mais qui souffrent néanmoins de déculturation, car leurs parents, en cherchant à s’intégrer rapidement, ont pris leurs distances avec leur culture d’origine. Par réaction, cette génération développe une haine de l’Occident et de son pays d’accueil qui ne l’ont pas vraiment acceptée et qu’elle juge responsable de sa souffrance. Ces jeunes font souvent partie de groupes de discussion, en marge de la société, institutions politiques et religieuses, où ils refont le monde. C’est le cas du Franco-Marocain Zaccaria Moussaoui qui a été jugé et condamné en Virginie pour sa participation aux attentats du 11 septembre, ainsi que les frères Kouachi pour ceux de janvier 2015 à Paris.
C’est donc la deuxième génération d’immigrés musulmans qui alimente le terrorisme fanatique et qui marque l’échec de la politique d’intégration en Europe. C’est la dérive du désenchantement d’un monde qui n’est pas le leur, affairiste et égoïste. En rejetant cette société en proie aux vices de la drogue, de l’alcool et adonnée au culte des loisirs, ils empruntent la voie du terrorisme et du salafisme pour faire quelque chose de grand pour l’islam et pour Dieu.
Ces jeunes désenchantés peuvent basculer rapidement dans l’action violente, leur non-appartenance à la mouvance islamique rend leur repérage difficile. Ils sont une opportunité pour les imams radicaux qui n’ont même pas besoin de les endoctriner, car ils ont une vision de l’islam idéale, simpliste et la volonté de purifier ce monde en faillite morale.
Pour se protéger de la menace islamiste, les sociétés démocratiques doivent rester fermes sans céder à la panique, au pessimisme, au chantage ou à la répression systématique. Malheureusement l’Angleterre et la France sont tombées dans le piège du radicalisme qui est le terrain de prédilection des extrémismes. Après les attentats de 2015, le président Hollande a envoyé le porte-avions Charles de Gaulle bombarder Daech plutôt que remédier aux problèmes d’intégration des banlieues pauvres.
Avec la mondialisation du terrorisme, le danger devient omniprésent, et nous replongeons dans les limbes d’un passé que l’on croyait révolu. En cas d’attaque, il faudra apprendre à se défendre, à s’entraider en attendant d’être secouru. Cette menace favorise des comportements de solidarité oubliés. En effet, lorsque des personnes se retrouvent enfermées sans pouvoir fuir, comme cela a été le cas pour les vols des attentats du 11 septembre[9] ou pour le train Thalys en 2015[10], elles passent à l’action. Face à un nombre de passagers déterminés, les terroristes ont moins de chance de réaliser leurs forfaits.
Après deux guerres mondiales et la paix prolongée qui a suivi, l’Europe vieillissante a perdu toute velléité de se battre et n’a plus d’ambition hégémonique : elle est ainsi devenue une proie facile, « le ventre mou » de l’Occident. Les terroristes islamiques l’ont bien compris[11], après s’être décomplexés avec l’attaque historique du 11 septembre 2001, le vieux rêve de reconquérir l’Occident a refait surface, encouragé par une immigration musulmane importante.
Je reste convaincu que les terroristes doivent être traités humainement, en respectant ces droits de l’homme qu’ils détestent, qu’il faut impérativement éviter de les tuer lors des prises d’assaut (par vengeance) pour ne pas en faire des martyrs, ce dont ils rêvent[12], mais plutôt les laisser en prison afin qu’ils soient discrédités et oubliés.
Des centres de déradicalisation doivent être expérimentés, mais il convient surtout de lutter contre la pauvreté et l’exclusion, qui sont le terreau du terrorisme, car les pauvres et les exclus, privés d’avenir, basculent beaucoup plus facilement dans des actions désespérées. « L’intégrisme est un refuge pour la misère parce qu’il offre un sursaut d’espérance à ceux qui n’ont rien. Que leur mal disparaisse et l’intégrisme perdra ses troupes » (L’abbé Pierre).
Exemples d’attaques d’avions :
Les actions terroristes menées contre les avions civils ont, la plupart du temps, des revendications idéologiques, mais parfois aussi la vengeance, et s’opèrent de manière suivante :
1. détournements et prises d’otages (Entebbe Air France en 1976) ;
2. crashes par des kamikazes (attentats du 11 septembre) ;
3. explosion à bord d’avions (Pan Am en 1988 et UTA en 1989) ;
4. tentatives de destruction en vol d’appareils par missiles portatifs (B757 de la compagnie charter israélienne Arkia au décollage de l’aéroport de Mombasa, en 2002 ; A300 cargo de DHL au décollage de Bagdad en 2003), par un chasseur pour violation de territoire (chasse soviétique contre un B747 de Korean Airlines en 1987), ou erreur de tir (?) du sol par un puissant missile[13] (MH17 en 2014).
Heureusement, à ce jour, les terroristes ne disposent pas de chasseurs ni de missiles capables d’abattre des avions à haute altitude.
Les moyens de lutte antiterroriste
Après le carnage de la prise d’otages lors des Jeux Olympiques de Munich en 1972, l’Allemagne s’est dotée d’une unité d’élite spécialisée dans les opérations de contre-terrorisme et de libération d’otages (GSG9[14]). La France, confrontée aux mêmes réalités, a créé, en 1974, le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN[15]), destiné à lutter contre la piraterie aérienne et qui intervient en particulier dans les aéroports. Du côté de la Police nationale française, le RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) a été créé en 1985. Le GIGN et le RAID ont collaboré et sont intervenus en même temps pour la première fois en 2015, lors de la neutralisation des frères Kouachi pour le GIGN, et pour Coulibaly pour le RAID.
J’ai déjà évoqué deux cas de détournements dans le chapitre Le commandant face à ses responsabilités, cependant les attaques du 11 septembre 2001 ont représenté un tournant dans l’histoire du terrorisme, car le mode opératoire a alors changé : il s’agit en effet d’une première de par l’ampleur du nombre de victimes (près de 3 000 morts), par les objectifs visés et par la technique utilisée ; quelques heures de formation au pilotage via les aéro-clubs, et l’utilisation de simples cutters comme armes. L’attaque des tours jumelles du World Trade Center (WTC), à New York, symbole « phallique » et arrogant de puissance, n’a pas été menée au hasard. Un premier attentat avait eu lieu dans les sous-sols en 1993. À cette époque, le rapport d’enquête des pompiers, disponible sur internet[16], indiquait que si un incendie important se propageait sur plusieurs étages, l’édifice était menacé.
Les terroristes d’Al-Qaïda ont attendu le moment idéal, après l’été, lorsque tout le monde reprend le travail avec entrain et par conditions météorologiques optimales ; un bel anticyclone couvrait en effet toute la région. L’opération, lancée un mardi en début de matinée, a eu un impact médiatique dépassant les espérances de Ben Laden, et a transformé cette belle journée en fin du monde. Le choc psychologique a déclenché un mouvement de solidarité sans précédent aux États-Unis, mais aussi dans le reste du monde. Cet attentat est exemplaire à plus d’un titre : il est inédit de par sa préparation et sa précision et parce qu’il se situe au-delà de l’imaginaire collectif, là même où Hollywood n’avait pas osé s’aventurer.
Deux exemples d’attentats à la bombe :
Le 21 décembre 1988, un B747 de la Pan Am, en vol de croisière à 9 500 m (FL310) au-dessus de Lockerbie en Écosse, a subi une explosion provoquée par du semtex dissimulé dans un radiocassette en soute. Celle-ci, amplifiée par la pressurisation[17] de l’avion, a provoqué un grand trou qui a fissuré l’avion en plusieurs endroits et l’a finalement désintégré, tuant les 259 passagers et membres d’équipage ainsi que 11 personnes au sol.
Les soupçons se sont d’abord portés sur le Front populaire de libération de la Palestine (Commandement général) soutenu par la Syrie et l’Iran, car la marine américaine avait accidentellement abattu un A300 d’Iran Air en juillet 1988 , puis sur la Lybie de Kadhafi, car Ronald Reagan avait envoyé ses bombardiers sur Tripoli en 1986, pour faire suite, entre autre, à un attentat qui avait fait un mort et 63 blessés dans une discothèque fréquentée par des militaires US à Berlin. Cependant, après le rapport technique du bureau d’enquête et d’accident britannique (AAIB) assisté par le NTSB américain, et suite au jugement des présumés coupables par le tribunal de la base militaire de Camp Zeist aux Pays-Bas, des témoins[18] se sont fait entendre pour dénoncer la manipulation des preuves (faux détonateur, faux témoignages, etc.) transformant ces procès à charge contre la Libye.
Le 19 septembre 1989, un DC-10-30 d’UTA s’est crashé dans le désert du Ténéré au Niger après une explosion dans une de ses soutes. L’avion, parti de Brazzaville après un stop à N’Djamena, se trouvait en vol de croisière à 10 700 m (FL350) en route vers Paris-CDG. Le bagage impliqué aurait été chargé à Brazzaville.
L’ambition de Kadhafi de devenir un leader arabe en Afrique, à l’image de son père spirituel Nasser, s’est manifestée par des actions destinées à contrer l’influence française, au Tchad, et américaine au Moyen-Orient. Après une série d’attaques, Kadhafi s’est attiré les foudres de Ronald Reagan, mais il a continué sur sa lancée avec, en contre-représailles, les attentats aériens de la Pan Am et d’UTA. Un embargo sur le pétrole a alors été décrété contre la Libye par l’ONU en 1992. Le procès du DC-10 d’UTA a bien eu lieu en France, mais les accusés étaient absents, et ni les exécutants ni les commanditaires n’ont été emprisonnés. La Libye a fini par acheter la levée des sanctions économiques aux Américains et aux Britanniques, néanmoins les Français ont dû patienter. Les familles des victimes de la Pan Am ont touché 2 700 millions de dollars pour 270 victimes, contre 35 millions pour les 171 d’UTA, soit 50 fois moins. La Cour de cassation a mis fin aux poursuites engagées en France contre Kadhafi permettant ainsi, après la levée partielle de l’embargo en 1999, la reprise des relations commerciales entre la France et la Libye, notamment en 2002 par des vols commerciaux effectués par Air Lib. En 2005, grâce à la ténacité de SOS Attentats[19], les dossiers des victimes ont enfin été traités à raison d’une indemnité pour les ayants droit d’un montant de 790 000 euros par victime.
La politique française a favorisé les intérêts économiques avant celui des victimes. Kadhafi redevenu « fréquentable », la Libye a accédé, en 2003, à la présidence de la Commission des droits de l’homme de l’ONU… En 2007, Le président Sarkozy, au nom de la Realpolitik, lui a même offert une tribune médiatique, après la libération des infirmières bulgares ainsi qu’une visite en grandes pompes à Paris.
Chef loufoque et imprévisible, responsable, en autres, de la mort de 440 personnes dans les deux attentats aériens, Kadhafi a conduit en 41 ans son pays à l’insurrection. Il sera abattu, en 2011, par les rebelles soutenus par une coalition internationale menée par la France. Mais aujourd’hui la Libye, livrée à elle-même, risque de se transformer en base arrière du terrorisme islamique.
[1]. KLM 4805 : commandant Jacob Veldhuyzen van Zanten (50 ans), copilote Klaas Meurs (42 ans), mécanicien navigant Willem Schreuder (49 ans).
[2]. Pan Am 1736 : commandant Victor Grubbs (57 ans), copilote Robert Bragg (40 ans), mécanicien navigant George Warns (47 ans).
[3]. Le Movimiento por la Autodeterminación e Independencia del Archipiélago Canario (MPAIAC), ou « Mouvement pour l’autodétermination et l’indépendance de l’archipel des Canaries » est un mouvement séparatiste des îles Canaries créé en 1964 et reconnu en 1968 par l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le MPAIAC décréta la lutte armée en 1976 à travers les Fuerzas Armadas Guanches (FAG), avec un premier attentat dans un grand magasin de Las Palmas à Grande Canarie. Le MPAIAC abandonna la lutte armée en 1979, et le mouvement devint inexistant dans les années 1980. http://fr.wikipedia.org/wiki/MPAIAC
[4]. Avant le départ, l’équipage du KLM était confronté à un problème de temps de travail. Jusqu’en décembre 1976, le commandant pouvait déroger aux temps d’amplitude maximum de travail par jour, mais depuis de début de l’année 1977, il n’était plus possible pour le commandant de dépasser de lui-même les butées réglementaires. Il devait en faire la demande par télex (au sol) auprès de la compagnie et que celle-ci accepte le temps possible de dépassement exceptionnel. C’est un calcul complexe qui prend en compte l’activité et les repos précédents, que l’équipage n’avait pas les moyens de faire.
[5]. Même si dans les pays nordiques le gradient d’autorité est moins prononcé que dans les pays du sud, le copilote n’a pas montré beaucoup de sens critique envers son commandant[5] pour un scénario expédié, comme un Rolling takeoff, sans voir la totalité de la piste. Le gradient d’autorité était très en faveur du commandant qui jouissait d’un grand prestige au sein de la compagnie (communication) ; il était le chef pilote et avait « lâché » le copilote sur l’avion, c’est-à-dire qu’il l’avait rendu apte à piloter le B747. Habituellement, on a tendance à se reposer (surconfiance) sur celui ou celle qui a tant de compétences et d’autorité. À ce niveau-là, l’erreur grossière est difficilement représentable…
[6]. IACO Circular 153-AN/56, October 1978, Subsecretaria de Aviacion Civil.
[7]. 1) Insister sur l’importance de se conformer exactement aux instructions et clairances. 2) Utiliser un vocabulaire standard, concis et sans équivoque. 3) Ne pas utiliser le terme Take Off dans la clairance de départ et mettre un temps d’espacement entre la clairance de départ et celle de décollage (p. 55).
[8]. L’attentat du 11 mars 2004 à la gare d’Atocha de Madrid est le deuxième attentat perpétré en Occident par le réseau Al-Qaïda et revendiqué par les brigades Abou Hafs al-Marsi, faisant la démonstration, après le 11 septembre, que la sphère d’influence islamiste a toujours les moyens de frapper les Occidentaux chez eux. Habituellement Al-Qaïda ne revendique pas ses actes, mais le comportement du Premier ministre espagnol amènera l’organisation terroriste à adopter, à cette occasion, une démarche plus classique de maître-chanteur afin qu’il n’y ait pas erreur sur la personne. En effet, à quatre jours des élections législatives, le Parti populaire espagnol était assuré de remporter les élections : Aznar ne se représentant pas, son fauteuil était déjà prêt pour Mariano Rajoy. Le jour de l’attentat, une réunion de crise avait lieu chez le Premier ministre, mais son origine n’ayant pas encore été établie, les conseillers en communication d’Aznar ont exposé deux hypothèses : soit l’ETA, organisation terroriste que le Premier ministre avait toujours combattue, était responsable – alors l’opinion publique se rangerait derrière lui et le Parti populaire serait réélu ; soit il s’agissait d’une organisation terroriste islamique – alors Aznar se retrouverait face à ses responsabilités concernant la présence militaire espagnole en Irak, que la rue avait toujours désapprouvée, et le Parti populaire perdrait les élections. Pendant trois jours, alors que l’ETA démentait cet attentat, l’entêtement, les mensonges et les tentatives de manipulation d’Aznar lui ont fait rater sa sortie politique, et le siège de Premier ministre a été offert sur un plateau d’argent au Parti socialiste.
[9]. United Airlines (UA93), New York – San Francisco, quatre terroristes (un Libanais et trois Saoudiens) voulaient précipiter l’avion sur le Capitole.
[10]. Attaque avortée, sur la ligne Amsterdam – Paris, grâce à l’intervention de passagers : trois Américains Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone, du Britannique Chris Norman, du Franco-Américain Mark Moogalian et du Français « Damien » qui a souhaité garder l’anonymat.
[11]. « L’islamisme est une idéologie à la fois unificatrice, mobilisatrice, et combattante. À partir de ce moment-là, nous allons être engagés dans une véritable guerre menée par le tiers-monde contre les pays développés. Une guerre qui s’exprimera de plus en plus par le terrorisme, et aussi par “l’invasion pacifique”. […] (le tiers-monde) a deux armes fantastiques : le dévouement illimité de ses kamikazes et la mauvaise conscience de l’opinion publique occidentale envers ce tiers-monde. […] Dès lors, d’une part il y aura un terrorisme tiers-mondiste qui ne peut que s’accentuer et qui est imparable dans la mesure où ces “combattants” font d’avance le sacrifice de leur vie. Quand tout, dans notre monde, sera devenu dangereux, nous finirons par être à genoux sans avoir pu combattre. Et en même temps se produira inévitablement l’infiltration croissante des immigrés, travailleurs et autres qui, par leur misère même, attirent la sympathie et créent chez les Occidentaux des noyaux forts de militants tiers-mondistes. Les intellectuels, les églises, le PC, pour des raisons diverses, seront les alliés des immigrés et chercheront à leurs ouvrir les portes plus largement. […] Mais cette présence des immigrés, avec la diffusion de l’islam en Europe, conduira sans aucun doute à l’effritement de la société occidentale entière. […] L’Occident va se retrouver, sur le plan mondial, d’ici vingt-cinq ans, dans l’exacte situation actuelle de la minorité blanche d’Afrique du Sud, face à la majorité noire. Et cela aura été, à longue distance, l’effet de la technicisation, jouant à deux niveaux comme nous l’avons montré » (ELLUL Jacques, Le bluff technologique, Hachette, 1988, p. 280-281).
[12]. Vœux exaucés par le gouvernement français qui s’est privé par la même occasion des témoignages et de la collaboration des terroristes tués. Le 9 janvier 2015, les frères Kouachi ont été tués par le GIGN, et le 18 août 2015, le RAID et la BRI ont abattu les deux survivants du commando des terrasses à Paris du 13 novembre.
[13]. Pour abattre un avion à haute altitude, une importante logistique est nécessaire : station radar, véhicule pour missiles et poste de commandement.
[14]. GrenzSchutzGruppe, groupe 9 de la police fédérale allemande pour la protection des frontières.
[15]. http://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gign/Historique
[16]. United States Fire Administration, Technical Report Series, The World Trade Center Bombing: Report and Analysis, p. 149 http://www.firetactics.com/wtc-93.pdf
[17]. Tel l’A321 de la compagnie Daallo Airlines au décollage de Mogadiscio (2 février 2016) qui a été victime d’un attentat à la bombe à basse altitude, n’occasionnant qu’un trou dans le fuselage. La même explosion à haute altitude aurait fait un trou beaucoup plus important et très certainement détruit l’avion.
[18]. « Lockerbie : doute sur l’implication de la Syrie », Luc de Barochez, Le Figaro (30 août 2005) ; « Attentat de Lockerbie : le témoin suisse se rétracte », site rfi.fr (28 août 2007) ; « Lockerbie : la CIA aurait payé un témoin », Pierre Prier, sur le site figaro.fr (4 octobre 2007). « L’autre piste de Lockerbie, celle de la Syrie et de l’Iran », Pierre Prier, sur le site figaro.fr (21 août 2009) ; « Secret CIA testimony identifies real Lockerbie mastermind » on channel4.com, (20/12/2013) ; « CIA held Syrian militants responsible for Lockerbie bombing », Jon Swaine, on telegraph.co.uk, Daily Telegraph (20/12/2013).
[19]. S.O.S. Attentats a participé en 2003 à des négociations avec la Fondation Kadhafi pour obtenir réparation pour le préjudice moral subi par les familles des 171 victimes de l’attentat perpétré contre le DC-10 d’UTA, le 19 septembre 1989, du fait de la non-exécution des six condamnations prononcées, en 1999, par la Cour d’assises française. Cette demande de réparation est motivée par un souci d’équité et de non-discrimination entre les victimes quelle que soit leur nationalité. Le principe de cette indemnisation a été acquis. Reste à en définir les modalités. S.O.S. Attentats appelle à la solidarité des familles de Lockerbie afin qu’elles fassent preuve de patience et à celle des seize autres états concernés, parmi lesquels le Royaume-Uni et les États-Unis, afin qu’une solution soit trouvée. Ce n’est qu’ensuite, selon S.O.S. Attentats, que la levée des sanctions onusiennes pourra être envisagée. L’association, après 23 ans d’existence, s’est dissoute en 2008 : http://www.sos-attentats.org
[1]. Démilitarisée aujourd’hui.
[2]. Accident Investigation Final Report, All Engines-out Landing Due to Fuel Exhaustion, Air Transat, Airbus A330-243 marks C-GITS, Lajes, Azores, Portugal, 24 August 2001, p. 18.
[3]. SAFETY RECOMMENDATION AB/2004, 4.2.2 Fuel Leak Training (p. 91).
[4]. APU (Auxiliary Power Unit) est situé dans le cône de queue de l’avion.
[5]. La RAT, située dans une trappe sous le fuselage, sort automatiquement en cas de fort délestage électrique, comme la perte des générations électriques moteurs. La RAT, qui est le dernier stade avant la/les batterie(s), sert d’alimentation de secours (transitoire) le temps qu’un système électrique de l’avion soit rétabli, comme l’alternateur de l’APU. En cas de panne de carburant, il ne reste plus que la RAT pour fournir un peu d’électricité aux instruments de pilotage du commandant et la VHF 1, plus un peu d’hydraulique (en général en plus de la génératrice, il est monté une petite pompe hydraulique, sur l’axe de l’éolienne) pour faire fonctionner les commandes de vols (sans trop les solliciter) et sortir une partie des volets. La sortie du train se fait par gravité, le steering pour diriger l’avion au sol est perdu et les freins fonctionnent (avec modération) sur leur accu de secours.
[6]. Si le disque de la turbine avait traversé le fuselage, il y aurait eu plusieurs morts.
[7]. Le motoriste Rolls-Royce a été très critiqué pour le manque de fiabilité de son moteur Trent 900, et l’action de RR a fortement chuté à ce moment-là.
[8]. Interview du commandant David Evans qui était à bord (TRE) : http://www.aerosociety.com/News/Insight-Blog/1567/EXCLUSIVE-Qantas-QF32-flight-from-the-cockpit#gallery[m]/1/
[9]. CRESPIGNY Richard de, QF32, The Captain’s extraordinary account of how one of the world’s worst air disaster was averted, Kindle, 2012.










